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bitude de dîner en public ; on pouvait donc aisément pénétrer jusqu’à lui. Le vendredi précédent, Jaureguy alla se confesser à un moine dominicain, nommé Antonis Timmerman, natif de Dunkerque, qui disait ordinairement la messe dans la maison d’Añastro et y faisait des conférences de piété, comme chapelain de la nation espagnole. À la fin de sa confession, il découvrit à ce religieux son dessein de mettre à mort le prince d’Orange, afin de délivrer les Pays-Bas d’un tyran et d’un hérétique. Timmerman ne lui laissa pas ignorer qu’il s’exposait à un grand péril ; il l’approuva toutefois, pourvu que ce ne fût point la cupidité qui conduisit son bras, mais la gloire de Dieu et le zèle de la religion catholique romaine : dans cette forme, il lui donna l’absolution et lui administra l’eucharistie[1].

Le dimanche venu, Jaureguy, après avoir entendu la messe à onze heures dans la maison d’Añastro, se dirigea vers la citadelle, où le prince d’Orange avait établi sa demeure. Il tenait caché sous son manteau un pistolet qu’il s’était procuré chez un armurier de la ville, et que, à cause de son inexpérience, il avait prié celui-ci de charger et d’armer lui-même[2]. Il portait, de plus, un poignard nu, qui était placé dans une des poches de ses chausses.

Le prince d’Orange avait retenu à dîner, ce jour-là, les comtes de Laval et de Hohenlohe, les sieurs de Bonnivet, des Pruneaux, Brecht, Pipenpoy et d’autres

  1. Confession d’Antonis Timmerman, à la suite du Bref recueil de l’assassinat, etc.
  2. Lettre de W. Herlle à lord Burghley.