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— CXXIV —

Rassurés par là, ils se remirent à l’œuvre. D’abord ils coupèrent les génitoires du criminel ; ensuite, avec un couteau qui avait la forme d’une croix, ils lui ouvrirent le ventre, et en arrachèrent les entrailles ; ils firent de même de la poitrine, dont ils tirèrent le cœur, pour le lui jeter au visage. Durant cette cruelle exécution, à laquelle les bourreaux procédaient avec une lenteur calculée, Gérard disait des prières bien bas, ainsi que le manifestait le mouvement de ses lèvres ; pas un cri, pas un soupir ne sortit de sa bouche. Il avait cessé de vivre, lorsqu’on le mit en quatre quartiers.

Telle fut la fin de Balthasar Gérard. À Rome, en Espagne et dans les Pays-Bas catholiques, on célébra sa mémoire comme celle d’un martyr. L’histoire, qui juge sans passion et dont les arrêts se fondent sur les principes immuables de la morale, ne peut le placer qu’au rang des assassins. Citons, toutefois, la remarque d’un écrivain dont l’opinion ne sera pas suspecte : « Le crime de Gérard — dit Voltaire — était le crime du temps. Les anabaptistes avaient commencé. Une femme, en Allemagne, pendant le siége de Munster, avait voulu imiter Judith… Poltrot de Meré avait assassiné François, duc de Guise, par les mêmes principes. Les massacres de la Saint-Barthélemy avaient mis le comble à ces horreurs. Le même esprit fit ensuite répandre le sang de Henri III et de Henri IV[1]. »

  1. Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, ch.  CLXIV.