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— CXXIII —

presque entièrement brûlée ; le patient eut néanmoins encore la force de la lever, comme pour dire « Voilà la main qui a fait le coup ! »

Les bourreaux, continuant leur office, le tenaillèrent à l’extrémité du bras droit, aux muscles des deux bras, aux cuisses et aux jambes. Il subit ces horribles tourments, sans retirer ni mouvoir un seul membre, sans faire entendre de plainte, sans changer un instant de couleur. Il récitait, pendant ce temps-là, les sept psaumes de la pénitence. On le vit aussi faire des signes de croix, et en envoyer aux spectateurs qu’il avait devant lui. Lorsque les bourreaux le délièrent une seconde fois, pour le mettre sur le banc où l’attendaient des tourments plus horribles encore, il alla s’y placer de lui-même, après avoir jeté ses hauts de chausses hors de ses pieds.

À ce moment, il s’éleva quelque tumulte parmi la foule qui occupait le Marché. Une femme du peuple, émue de l’affreux spectacle qui s’offrait à ses yeux, dit à ceux qui l’entouraient : « Que veut-on tant faire de mal à ce pauvre homme, quand tout est dit ? Il n’a tué qu’un homme, et on le fait mourir de mille morts ! » Les bourgeois auxquels elle s’adressait, irrités de ce langage, la poussèrent en arrière, avec toute sorte d’injures. Ceux qui étaient un peu plus loin, entendant du bruit, et ne sachant ce que c’était, commencèrent à s’agiter ; quelques-uns crièrent aux armes ; il y en eut même qui battirent le tambour. L’assassin était déjà couché sur le banc : les bourreaux se prirent de peur, et furent sur le point de le quitter : mais le magistrat leur cria que ce n’était rien ; qu’ils fissent leur devoir.