Page:Correspondance de Guillaume le Taciturne, prince d’Orange, 1857.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— CIX —

laume se sentit frappé à mort. Le malheureux prince ne dit que ces seuls mots : « Mon Dieu, aie pitié de mon âme, je suis fort blessé ; mon Dieu, aie pitié de mon âme et de ce pauvre peuple ! » et les deux derniers expirèrent presque sur ses lèvres. Son écuyer, Jacques de Malderen, le voyant chanceler, le soutint et l’assit sur les degrés de l’escalier. Là son regard, près de s’éteindre, se porta avec tristesse sur la princesse sa femme et la comtesse sa sœur. La comtesse lui ayant demandé, en allemand, s’il ne remettait pas son âme entre les mains de Jésus-Christ, il répondit que oui dans la même langue. Il ne proféra plus une seule parole. Peu d’instants après, on le déposa sur un lit dans la salle où il avait dîné, et il y rendit le dernier soupir, au milieu des sanglots de sa famille et de ses serviteurs (pp. 154-135).

Cependant le meurtrier n’avait pas négligé les moyens de se soustraire aux conséquences de son crime. Il avait étudié les lieux avec soin ; il portait sur lui deux vessies et un chalumeau destiné à les enfler ; il comptait s’en servir, ne sachant pas nager, pour traverser les fossés, remplis d’eau, qui baignaient les murs des remparts ; il tenait hors de la ville un cheval tout sellé[1]. Aussitôt qu’il eut lâché son coup, il s’enfuit vers la cour de derrière qui communiquait avec les écuries. Il avait à descendre quatre ou cinq degrés de la galerie ; il

  1. Cette dernière particularité ne se trouve ni dans la relation officielle, ni dans Le Petit, ni dans Van Meteren ; nous la tirons du Glorieux et triomphant martyre de Balthazar Gérard, dont l’auteur paraît avoir été bien renseigné.