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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

tions non pontées, pouvait bien inspirer quelque crainte ; mais sous peu d’heures les courans devaient changer et nous favoriser : il fallait donc attendre ce moment, qui aurait évidemment démontré la possibilité de nous traîner jusqu’à terre dont nous n’étions pas éloignés de plus de douze lieues. Cela est si vrai, que le soir, vers six heures et demie[1], et au moment du coucher du soleil, des embarcations on aperçut la terre, c’est-à-dire, les dunes de sable élevées du Sahara, toutes resplendissantes de clarté et se montrant comme des amoncellemens d’or et d’argent. La mer, dans l’intervalle de la frégate à la côte, paraissait avoir du fond ; les vagues étaient plus longues et plus creuses, comme si le banc d’Arguin se haussait vers l’ouest. Mais aux approches de terre, tout-à-coup le fond s’éleva, et ne trouvant plus que trois à quatre pieds d’eau, on prit le parti de mouiller en attendant le jour. Divers tertres épars, quelques rochers, des bancs désséchés, firent présumée que l’on était dans les lagunes formées par la rivière Saint-Jean. Cette opinion se vérifia par la vue du lac Mirik, qui paraît comme la continuation d’une haute colline, venant de l’intérieur, mais se relevant tout-à-coup à son approche de la mer ; à l’instar des courans volcaniques. En passant devant ce cap, au large et vers le couchant, la mer semblait se briser sur quelque haut-fond que l’on soupçonne être la queue

  1. Beaucoup de personnes qui étaient dans la chaloupe disent qu’on aperçut la terre à quatre heures du soir.