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CHAPITRE IV.

qu’ils ne fussent aussi envoyés à la mer comme les quarts de farine. Le radeau, allégé par le poids en moins de ces barils, put alors recevoir d’autres hommes : nous nous trouvâmes enfin cent cinquante-deux. La machine s’enfonça au moins d’un mètre. Nous étions tellement serrés les uns contre les autres, qu’il était impossible de faire un seul pas : sur l’avant et l’arrière on avait de l’eau jusqu’à la ceinture. Au moment où nous, débordions de la frégate, on nous envoya du bord vingt-cinq livres de biscuit dans un sac qui tomba à la mer. Nous l’en retirâmes avec peine ; il ne formait plus qu’une pâte. Nous le conservâmes cependant dans cet état. Quelques-uns de nous, comme on l’a dit plus haut, avaient eu la sage précaution de fixer les pièces à eau et à vin aux traverses du radeau, et nous y veillâmes avec une sévère exactitude. Voilà exactement quelle était notre installation, lorsque nous prîmes le large.

Le commandant du radeau était un aspirant de première classe, nommé Coudein. Quelques jours avant notre départ de la rade de l’île d’Aix, il s’était fait à la partie antérieure de la jambe droite, une grave contusion qui ne tendait nullement à sa guérison lorsque nous échouâmes, et qui le mettait dans l’impossibilité de se mouvoir. Un de ses camarades, touché de sa position, lui offrit de le remplacer ; mais M. Coudein, quoique blessé, aima mieux se rendre au poste dangereux qui lui fut assigné, parce qu’il était le plus ancien aspirant du bord. Dès qu’il fut sur le radeau »