Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
71
CHAPITRE III.

de cette embarcation un lieutenant d’artillerie légère qui remplissait ordinairement les fonctions d’aide-de-camp auprès du gouverneur et qui veillait en ce moment à ce que personne n’entrât dans le canot. Déjà les dames Chmaltz s’y trouvaient placées, ainsi que les officiers de toutes classes qui avaient obtenu cette faveur, et parmi lesquels on voyait M. Richefort. En ce moment cinq ou six matelots et soldats se précipitèrent de la frégate à la mer pour s’embarquer dans ce même canot où ils demandaient, au nom de l’humanité, d’être recueillis : mais l’inflexible aide-de-camp, jaloux de se montrer digne de la consigne qui lui avait été donnée, mit le sabre à la main, et, avec quelques autres qui l’imitèrent, repoussa impitoyablement ces malheureux. Les dames Chmaltz montrèrent la même insensibilité. Ainsi sacrifiées à la commodité de ces dames, ces victimes du plus révoltant égoïsme se virent forcées de regagner la frégate, bien que le canot privilégié, d’où elles étaient rejetées, eût pu contenir quinze hommes en sus du nombre qu’il portait.

L’embarquement ainsi fini, le grand canot vint jeter une remorque à notre radeau, et nous primes le large avec cette seule embarcation. Le canot major donna ensuite une touline au premier ; le canot dit du Sénégal, vint après et fit la même manœuvre. Il restait encore trois canots ; celui du commandant était toujours sur l’avant de la frégate, à bord de laquelle il restait