Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
CHAPITRE III.

d’attendre, ou la justice, ou tout au moins la commisération.

Revenons à notre fatal radeau. Bien donc que notre position y fut des plus terribles, nous jetions tristement les yeux sur la frégate et ne pouvions nous empêcher de regretter ce beau navire qui, quelques jours auparavant, paraissait maîtriser les flots qu’il fendait avec une rapidité étonnante. Ces mâts qui supportaient des voiles immenses n’existaient plus ; le bâtiment lui-même était abattu sur la hanche de bâbord.

Cependant des peines bien autrement douloureuses, une nouvelle lutte contre le malheur et la mort attendaient ceux qui devaient revoir la terre… Mais n’anticipons pas sur les événemens, et poursuivons le récit fidèle des opérations qui se succédèrent jusqu’au moment où l’on abandonna le radeau.

Toutes les embarcations, après avoir débordé, manœuvrèrent ainsi que nous allons l’exposer.

Vers les sept heures, on donna le signal du départ ; quatre des canots prirent le large. Le radeau était encore le long de la frégate où il était amarré, l’embarcation du commandant était sous le beaupré, et le grand canot près de notre machine où il venait de déposer des hommes. On nous annonce enfin le moment du départ ; mais, par une espèce de pressentiment de ce qui devait nous arriver, M. Corréard, montrant de justes craintes que l’événement n’a