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CHAPITRE II.

sur la route à tenir. Il en reçut pour réponse : « Laissez-donc, nous sommes par les quatre-vingts brasses[1]. »

Si la route de la nuit avait en partie fait éviter tous les dangers, celle du matin nous avait ramenés dessus. M. Maudet, convaincu, malgré tout ce que l’ignorance opposait à ses observations, que le navire était sur le banc, prit sur lui de faire sonder. La couleur de l’eau était entièrement changée, ce qui fut remarqué par les yeux les moins exercés à reconnaître la profondeur de la mer à l’aspect de ce liquide ; on crut même voir rouler du sable au milieu des petites vagues qui s’élevaient, des herbes nombreuses paraissaient le long du bord, et l’on prenait beaucoup de poissons.

Depuis dix heures du matin la couleur de l’eau changeait visiblement, et le maître pilote, calculant d’après son Flambeau de la Mer, cité plus haut, annonçait, à onze heures et demie, qu’on entrait sur le banc. Cela était vraisemblable. Dès ce moment les matelots ne furent occupés qu’à relever les lignes jetées le long du bâtiment, et l’étonnante quantité de poissons, tous du genre morue, que l’on halait à bord,

  1. M. Lapérère, officier de quart avant M. Maudet, se trouvait, par son estime, très-près du banc ; il ne fut pas plus écouté, quoiqu’il ait fait son possible pour s’assurer au moins de notre position en sondant. Nous avons fait connaître les noms de MM. Lapérère et Maudet, parce que s’ils eussent été crus, la Méduse existerait encore.