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SUR LE NAUFRAGE DE LA MÉDUSE

Mouraient, en saluant par des cris de victoire
L’étendar de la liberté,[1]

La faim qui lentement nous conduit au Ténare,
N’avait pas épuisé leur sein ;
D’un ami, nul ami barbare
N’était devenu l’assassin ;
Et nul, pour reculer une mort ignorée,
N’avait, avec horreur, de Thyeste et d’Atrée,
Renouvelé l’affreux festin.

Guerriers infortunés, que la Parque réclame,
Victimes d’un arrêt si dur,
N’aviez-vous pu sous l’oriflamme
Trouver un trépas moins obscur ?
Mêlés dans le cercueil où donnent nos phalanges,
Ainsi que leurs exploits, le bruit de vos louanges
Frapperait le celeste azur.

Dormez, dormez, guerriers ! vos cris, dans les batailles.
N’auront point tonné vainement,
Et du deuil de vos funérailles
La France a marqué le moment ;
Du crêpe des douleurs sa tête s’environne ;
Et je la vois semer des fleurs de sa couronne
Le sein du liquide élément.

  1. Le vaisseau le Vengeur, au combat du 15 prairial an 2
    (1er juin 1794) (Historique-) V. le 3e. voI. des Victoires, Conquêtes, etc.,