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SUR LE NAUFRAGE DE LA MÉDUSE

Chargé de doux parfuns et de riches offrandes,
Si de Illyssus ou d’Argos,
Un vaisseau, paré de guirlandes,
Sillonnait la mer de Délos,
Le Théore, animant la lyre d’Ionie,
Aux suaves accords d’une sainte harmonie,
Chantait les dieux et les héros.

Sous l’équateur brûlant, modernes Argonautes,
Ainsi des Français courageux,
D’un bois fragile, aimables hôtes,
Percent l’air du bruit de leurs jeux,
Et tournant leurs regards du côté de la France,
Nous adressent des chants de gloire et d’espérance
Qui bravent les vents orageux.

Insensés, que font-ils ? Ah ! retenez la joie
Qui va déplaire aux dieux des mers !
Songez que le ciel nous envoie
Moins de succès que de revers.
Souvent c’est près du port que sévit la fortune ;
Vous cinglez sons un chef oublié de Neptune,
Et vous fendez les flots amers.

O surprise ! ô terreur ! un si funeste augure
Ne tarde pas à s’accomplir.
Aux maux affreux qu’il se figure,
Quel front enfin vois-je pâlir ?
N’importe, il faut céder ! ô troupe magnanime !
Soumets-toi, sans reproche, et descends sur l'abîme
Qui t’attend pour t’ensevelir