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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

heures du matin elle nous eût devancés de plus de six lieues, ce qui n’est guère admissible ; car sa marche était bien inférieure à la nôtre, et elle s’arrêtait de deux heures en deux heures pour sonder. Pour se rendre raison de ce qui se passa, il faut nécessairement admettre, ou que la frégate ait gouverné plus sud, ou la corvette plus ouest. Si les deux navires avaient couru, comme on le dit, dans la même aire de vent, il serait impossible d’expliquer leur séparation.

Au reste, de deux heures en deux heures, à bord de la frégate, on mettait en panne pour sonder ; toutes les demi-heures on jetait également le plomb, sans diminuer de voiles. Nous étions toujours sur les hauts fonds, et nous prenions le large pour trouver une plus grande quantité d’eau ; enfin le matin, à six heures, on disait que nous étions par plus de cent brasses. On mit alors le cap au sud-sud-est : cette route ouvrait un angle presque droit avec celle que nous avions courue pendant la nuit ; elle portait directement sur la terre, dont la situation du banc d’Arguin nous rendait, en cet endroit, l’approche des plus redoutables.

À midi on prit hauteur pour s’assurer de notre position. Nous vîmes sur le gaillard d’arrière M. Maudet, enseigne de quart, faisant son point sur une cage à poule. Cet officier, qui connaît tous les devoirs que lui impose son état, assura que nous étions sur l’accore du banc, et fit part de son opinion à celui qui depuis plusieurs jours donnait des conseils au commandant