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CHAPITRE II.

certaine de son exactitude[1]. Mais pour nous, il n’en fut pas ainsi ; M. Richefort qui était alors notre oracle, et ceux qui, comme lui, n’écoutant que leur présomption, se chargeaient si témérairement d’une terrible responsabilité, jugèrent convenable, quand ils furent à dix lieues environ du prétendu Cap-Blanc, ayant couru jusque là la route de l’est à l’ouest, de reprendre tout-à-coup la direction du sud et de faire route sur Portendic. Ceux des passagers qui connaissaient le banc d’Arguin, se récrièrent sur cette décision. M. Picard, entre autres, greffier du Sénégal, et qui avait touché huit ans auparavant sur ce banc, prédit hautement notre perte ; mais malgré les justes observations de cet homme éclairé, il fut impossible d’obtenir de nos guides qu’ils voulussent bien changer de direction ; et dans l’après-midi du même jour, nous recueillîmes les fruits amers de leur coupable obstination.

Cependant durant la nuit qui précéda ce jour funeste, la corvette l’Écho, qui était tout près et à tribord de notre frégate, nous fit un nombre considérable de signaux ; elle brûla des amorces, et à différentes reprises plaça à ses mâts des fanaux auxquels à la fin on se décida à répondre de notre bord avec quelques

  1. Outre les instructions dont il vient d’être parlé, une dépêche reçue quelques jours avant notre départ de la rade de l’Île d’Aix, recommandait aux commandans de l’expédition de ne pas se fier aux cartes marines, sur lesquelles le banc d’Arguin est très-mal placé.