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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

serait du plus grand intérêt d’examiner. Nous passâmes ce même jour le tropique, et là notre équipage, selon sa coutume, se livra aux burlesques cérémonies du baptême et de la distribution des dragées du bonhomme Tropique. Cet usage bizarre, dont l’origine n’est ni très-connue, ni très-intéressante à connaître, a pour principal but de fournir aux matelots, diversement déguisés en dieux marins, l’occasion de recueillir de l’argent des passagers et gens de l’équipage, qui se rachètent ainsi de l’immersion. C’était pendant ces jeux, qui durèrent trois heures qu’on peut bien appeler mortelles, que nous courions à notre perte, M. de Chaumareys cependant présidait cette farce avec une rare bonhomie, tandis que l’officier qui avait capté sa confiance, se promenait sur l’avant de la frégate et jetait un œil indifférent sur une côte toute hérissée de dangers, dont le nombre et l’imminence échappaient sans doute à sa pénétration. Nous avons toujours ignoré quelles raisons purent engager le commandant de la Méduse à investir de toute sa confiance un homme étranger à l’état-major. C’était un excellent

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    L’enfoncement que l’on aperçut pendant la cérémonie du tropique, qui fut un peu tardive, est le golfe de Saint-Cyprien, dans lequel les courans paraissent porter dès le matin et au nord de ce golfe. On passa près d’un îlot fort rapproché de la côte, et dont la couleur noire, due sans doute aux plantes marines qui le recouvrent, contrastait fortement avec la blancheur des dunes de sables du grand désert, séjour des Maures et des bêtes féroces… Tellus leonunm arida nutrix.