Page:Corréard, Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821.djvu/378

Cette page a été validée par deux contributeurs.

JUGEMENT

DE M. HUGUES DUROYS DE CHAUMAREYS,

CAPITAINE DE LA FRÉGATE LA MÉDUSE.


Quand, après l’échouement de la Méduse, nous nous vîmes si lâchement abandonnés sur le radeau, nous pressentîmes le sort qui nous attendait, et dans le premier transport de la plus violente comme de la plus juste indignation, nous jurâmes tous que ceux de nous qui échapperaient à la mort se chargeraient de la vengeance commune.

Ce serment, dicté par le désespoir, se serait évanoui avec nos angoisses, et, du fond des abîmes, les victimes elles-mêmes applaudiraient à cet oubli généreux, s’il ne s’agissait que de vengeance ; mais comme on a pu le voir, l’administration a plus d’une fois confié les vaisseaux de l’état et la vie des équipages à des mains inhabiles. Quel autre moyen d’arrêter le cours de ces abus intolérables, que de poursuivre à outrance par tous les moyens permis, les impudens qui, se disant marins, obtiennent ou plutôt escamotent des commandemens de navire ! Qui est appelé à provoquer ces poursuites légitimes et nécessaires, plus que ceux dont la fortune ou la vie a été compromise par l’entêtement et l’impéritie des protégés ?