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CHAPITRE XV.

te faire plaisir. — Ah ! bon Français, je les prendrais bien, car je sais que tu en as tant que tu veux dans ton pays[1] ; mais dans ce moment cela te priverait du plaisir de la chasse. — Non : prends tout. — Crois-moi, Toubabe, partageons ; cela vaudra mieux. » Effectivement ils partagèrent. Le noir invita ensuite M. Corréard à entrer dans sa case pour s’y rafraîchir : » Viens, Toubabe, lui dit-il, viens ; mes femmes vont te servir du lait et du cous-cous, et tu fumeras une pipe avec moi.

M. Corréard refusa pour continuer sa chasse, qui fut interrompue par les cris des noirs qui poursuivaient un jeune lion sortant du village de Mouit, et qui voulait entrer dans celui de Gandiolle. Cet animal n’avait fait aucun mal ; mais les naturels le poursuivaient dans l’espérance de le tuer pour en vendre la peau. L’heure du dîner étant venue, tous les chasseurs blancs rentrèrent sous leur lente. Quelques momens après, ils virent un jeune noir, figé de douze ans au plus, dont la figure douce er riante était loin d’annoncer le courage et la force qu’il venait de déployer. Il tenait dans ses mains un énorme lézard tout en vie, d’un mètre quatre-vingts centimètres au moins de longueur. Nos chasseurs furent étonnés de voir cet enfant possesseur d’un si terrible animal, qui ouvrait une gueule épouvantable. M. Corréard pria un des esclaves de

  1. Les noirs pensent que tous les blancs sont très-riches dans leur pays.