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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

À son arrivée, ses premières démarches furent dictées par la reconnaissance : il se rappelait les services signalés qu’il avait reçus des officiers anglais pendant son séjour à Saint-Louis ; et ce fut un besoin pour son cœur de s’informer près de M. l’ambassadeur de leur nation[1], s’il n’avait pas reçu de nouvelles de ses bienfaiteurs. Après s’être acquitté de ce premier devoir,

  1. À Son Excellence le ministre d’état d’Angleterre,
    ambassadeur près la cour de France.

    Monseigneur,
    Un Français qui, dans un naufrage sans exemple, a été fraternellement secouru par des étrangers que des intérêts nationaux semblaient devoir éloigner de lui, se sent pressé d’épancher les sentimens de gratitude dont il est rempli.
    Ce Français, Monseigneur, est Corréard (Alexandre), ingénieur, membre honoraire de la commission déléguée pour reconnaître le Cap-Vert et ses environs, l’un des quinze réchappés sur les cent-cinquante individus naufragés du radeau de la frégate la Méduse, dont onze seulement respirent encore.
    C’est ce besoin de mon cœur qui me porte à oser adresser à Votre Excellence, digne représentant dans ma patrie de celle de mes généreux bienfaiteurs, des noms à jamais mémorables dans les fastes de l’humanité.
    Oui, Monseigneur, mon cœur se fait un devoir délicieux de manifester que les droits les plus justes à la reconnaissance de tous les Français sont acquis à M. le major Peddy (commandant l’expédition de l’intérieur de l’Afrique, chargé de continuer le grand voyage de Mungo-Park), pour la générosité prévenante avec laquelle il a accueilli les infortunés échappés au fatal radeau, en leur prodiguant linge, vêtemens, argent,