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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

verneur revînt plusieurs fois à l’hôpital pour obtenir sa signature ; il fut toujours inébranlable. Le gouverneur lui-même le pressa vivement. Un jour qu’il était allé solliciter son départ, il lui répondit que jamais il ne consentirait à signer une relation tout opposée à la vérité, et il retourna à son hôpital. Le lendemain il vit entrer son ami M. Kummer, qui venait l’inviter à retourner chez le gouverneur et à signer enfin ce rapport, parce qu’on l’avait averti que, s’il persistait dans son refus, il ne retournerait pas en France. Cette pièce était donc d’un bien grand intérêt aux yeux de ces Messieurs, pour qu’ils fussent réduits à employer de semblables moyens envers un malheureux exténué par une longue maladie, et dont le rétablissement dépendait de son retour en Europe, puisque l’on prétendait ne lui en accorder la permission qu’au prix de sa signature apposée à une narration fausse et contraire à ce qu’il avait vu et éprouvé. Un paragraphe en effet était employé à vouloir prouver que la remorque avait cassé. Pouvait-il le signer, lui, témoin oculaire, et qui tenait de plus de vingt personnes qu’elle avait été larguée. Outre ce mensonge, dans un autre endroit, on disait que, lorsque le radeau fut délaissé, les mots barbares nous les abandonnons ne furent pas prononcés, et dans un autre passage, que M. Savigny, en publiant sa relation, s’était montré ingrat envers des chefs qui avaient tout fait pour le sauver personnellement ; il y avait d’ailleurs quelques personnalités inconvenantes. M. Corréard fut surtout très-étonné de