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CHAPITRE XIII.

ques jours, avec le commandant de la frégate. Elle avait également mis à terre les troupes de débarquement qu’elle avait à son bord, et qui consistaient en une compagnie de soldats coloniaux. Le commandement du camp fut confié à M. de Fonsain, respectable vieillard, qui y mourut victime de son zèle. Ce qui lui valut cette fatale distinction, ce fut la résolution que prit le gouverneur d’habiter l’île de Gorée pour être, disait-il, à portée de surveiller le camp et les navires, cet sans doute pour ménager sa santé.[1]

Le naufrage de la frégate ayant diminué de beaucoup

  1. M. le gouverneur, qui n’aimait pas, à ce qu’il parait, l’approche des malheureux, devait cependant ne pas craindre d’affecter trop vivement sa sensibilité. Il s’était élevé sur les petites misères de la vie, du moins quand elles ne le touchaient pas, à une hauteur d’impassibilité qui aurait honoré le plus rude stoïcien, et qui indique sans doute la tête de l’homme d’état, dans laquelle les plus grands intérêts et la pensée du bien public ne laissent plus de place aux intérêts vulgaires, aux détails bourgeois, à des soins à accorder à la conservation d’un chétif individu. Aussi, quand on venait lui annoncer la mort d’un malheureux Français, tout ce que cette nouvelle lui causait de distraction se réduisait à dire à son secrétaire, sans interrompre autrement ses grandes méditations : Écrivez que Monsieur un tel est mort.
    M. le gouverneur n’est sans doute pas, au fond, un homme insensible ; car, par exemple, il ne passait jamais devant le portrait de Louis XVIII qu’il ne versât, quand il était en présence d’étrangers, des larmes d’attendrissement. Mais la grande application aux affaires, les occupations sans nombre, les entreprises diverses qui ont agité sa vie, ont, si l’on peut le