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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

au médecin anglais que la ration ordinaire de simple soldat qu’on leur avait donnée jusque-là, ne leur convenait sous aucun rapport, d’abord en ce que leur santé altérée exigeait, si toutefois on voulait les rétablir, une nourriture moins grossière que celle qu’on donne à un soldat bien portant dans sa caserne ; qu’ensuite les officiers, dans tous les pays, jouissaient de quelques distinctions, et qu’en conséquence il était prié d’avoir égard à la juste réclamation de ses malades.

Le docteur fut impitoyable ; il répondit qu’il n’avait pas reçu d’ordre et qu’il ne changerait rien. Alors ils adressèrent leurs plaintes au gouverneur anglais, qui y fut aussi peu sensible. Il est cependant probable que le gouverneur français, avant son départ, avait invité cet officier à procurer tous les secours qu’exigeait la position de ceux qu’il laissait à la garde de sa loyauté. Si cette prière lui a été faite, il faut convenir que ce M. Beurthonne a un cœur bien peu accessible aux sentimens d’humanité. Quel contraste entre la conduite de ce lieutenant-colonel et celle des autres officiers de sa nation faisant partie de l’expédition de l’intérieur de l’Afrique, auxquels se joignirent ceux de la garnison ! C’est à leurs soins généreux que les officiers provenant du radeau durent des soulagemens, et la vie peut-être. Au reste, il n’est pas rare de voir les mêmes circonstances donner lieu à la même observation. Dans ces sortes d’occasions un grand nombre de simples particuliers anglais étonnent par l’excès de leur générosité envers leurs ennemis, tandis qu’au contraire les agens