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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

heureux dont nous venons de parler, on s’occupa de retirer du corps de la frégate tous les objets susceptibles d’être saisis. On la saborda, et au moyen de cette vaste ouverture, on put sauver des farines, du vin et plusieurs autres objets. M. Corréard a eu la bonhomie de penser que les naufragés allaient recouvrer au moins que quelques-uns de leurs effets, puisqu’un bâtiment du roi était parvenu jusqu’à la frégate. Mais qu’on se détrompe ! ceux qui le montaient se déclarèrent corsaires, et mirent, pour ainsi dire, au pillage tous les effets qu’ils purent rattraper. Un d’eux, M. Renaud, enleva plusieurs malles pleines et quatre hamacs contenant toutes sortes d’objets, le tout à son profit.

Ayant complété l’entière cargaison de la goélette, et les tentatives pour retrouver les cent mille fr. dont nous avons déjà parlé, ayant été inutiles, l’on cingla vers le Sénégal. Nous vîmes arriver ce petit bâtiment,


    envoya un canot, monté par huit hommes, commandé par M. Rivière, officier de marine ; mais Moreau les abandonna, parce que les courans le drossaient sur l’île, et revint à celle de France, où il ne fit aucune démarche auprès du gouvernement pour qu’on leur portât du secours. Le brave Rivière et tous ses matelots parvinrent à se sauver à la côte du Malabar au moyen d’un radeau et de son canot. Il débarqua à Cranganor, près Calicut.
    On conçoit que, dans un premier moment, la présence subite d’un danger inévitable puisse égarer la raison et faire abandonner du monde sur un navire ; mais ne pas aller au secours des siens, lorsqu’on est soi-même hors de danger, ou mettre du retard à y voler, c’est ce qui ne se conçoit pas.