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CHAPITRE XI.

devenus les quatorze qui manquaient ? Essayons de retracer l’histoire de leur triste sort.

Dès que les embarcations et le radeau furent débordés de la frégate, ces dix-sept malheureux cherchèrent à se procurer des moyens de subsistance, en attendant qu’on vint à leur secours ; ils fouillèrent tous les lieux où l’eau n’avait pas encore pénétré, et parvinrent à rassembler assez de biscuit, de vin, d’eau-de-vie et de lard salé, pour exister pendant un certain temps. Tant que les vivres durèrent, la paix régna parmi eux ; mais quarante-deux jours s’écoulèrent sans qu’ils vissent paraître les secours qu’on leur avait promis. Alors douze des plus décidés, se voyant à la veille de manquer de tout, résolurent de gagner la terre. Pour y parvenir, ils construisirent un radeau avec les différentes pièces qui restaient sur la frégate, le tout maintenu, comme le premier, par des amarrages solides. Ils s’y embarquèrent, et dirigèrent leur route sur la côte ; mais comment pouvoir manœuvrer sur une machine dépourvue, sans doute, dés rames et des voiles nécessaires ? Il est indubitable que ces malheureux, qui n’avaient pris qu’une très-petite quantité de vivres, n’auront pu long-temps résister, et qu’accablés de désespoir et de besoin, ils auront été victimes de leur témérité. On a dû être convaincu que tel aura été le résultat de leur funeste tentative, par les restes de leur radeau, qui furent trouvés sur la côte du désert de Sahara, par les Maures sujets du roi