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CHAPITRE X.

Saint-Louis. Ce digne gouverneur me garda pendant quelques années à son service ; mais voyant que je pensais toujours à mon pays et à mes païens, et qu’enfin je ne pouvais pas m’habituer à vos usages, il me rendit la liberté, et depuis ce moment j’ai voué


    mots : Ici reposent tes restes du brave et intègre général Blanchot, etc.
    Nous croyons qu’il n’est pas hors de propos de faire connaître un trait qui prouvera jusqu’à quel point le général Blanchot portait la justice : l’homme sensible s’arrête avec plaisir au récit d’une belle action, surtout quand elle appartient à un héros de sa nation.
    Quelque temps avant que le Sénégal fût livré aux Anglais, Saint-Louis était étroitement bloqué, de manière que les communications avec la France étaient absolument impossibles. En peu de temps la colonie fut en partie privée de toute espèce de vivres. Il fallut employer des moyens extrêmes. Le prudent général convoqua un conseil extraordinaire, auquel furent appelés tous les notables de la ville et les employés du gouvernement. On y décida qu’il ne fallait pas attendre que la colonie fût dénuée de vivres, et qu’afin de tenir jusqu’à la dernière extrémité, tous les habitans, sans distinction de couleur, de rang et de grade, seraient mis au quart de ration pour le pain, et à deux onces de riz ou de mil par jour. Pour exécuter cet arrêté, toutes les denrées furent transportées dans les magasins du gouvernement, et le général donna des ordres pour qu’il fût ponctuellement suivi. Quelques jours après que ces mesures furent prises, le gouverneur invita, comme à son ordinaire, les autorités à venir dîner chez lui ; il était bien entendu que chacun apporterait sa ration de pain et de riz. Néanmoins, on servit un pain entier sur la table du général. Dès qu’il l’aperçut, il demanda à ses domestiques qui