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CHAPITRE X.

de 20 francs, sa montre et tous ses effets ; il ne lui restait plus que sa chemise, un très-mauvais pantalon et un chapeau. Les femmes des Maures, et principalement les enfans, l’avaient beaucoup tourmenté ; ces derniers le pinçaient continuellement et l’avaient empêché de prendre un instant de repos. Son caractère en était singulièrement aigri, et ses facultés morales un peu altérées. Ces deux amis, après s’être raconté leurs peines, s’endormirent à côté l’un de l’autre ; quelques heures après les Maures les rejoignirent et leur donnèrent de ces petites grappes dont nous avons parlé plus haut. La caravane se mit bientôt en marche, et prit la route du sud-est, qui conduisait au camp du roi Zaïde. Le même soir, ils y arrivèrent ; mais le monarque était absent. Le bruit de notre naufrage était parvenu dans son camp ; et Zaïde, qui veut tout voir par lui-même, s’était rendu sur le rivage pour faire donner des secours aux naufragés qu’il pourrait y rencontrer. Le roi ne revint que vingt-quatre heures après, ce qui donna le temps à nos voyageurs de se reposer, et au prince Muhammed de faire un marché avec les deux blancs, pour les conduire jusqu’à l’île Saint-Louis. Le prince demanda pour sa peine, y compris les frais de nourriture et de voyage, huit cents gourdes à chacun, et les obligea, avant de se remettre en route, de passer un engagement par écrit en langue arabe. M. Kummer y consentit, et dit à M. Rogery : « Une fois rendu à l’île Saint-Louis, nous leur donnerons ce que nous voudrons. » Ce dernier hésitait,