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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

tentes. Le prince occupa la plus belle, et ordonna que des rafraîchissemens fussent donnés au Toubabe, qui était exténué de fatigue et de besoin. Ici M. Kummer fut tourmenté par les femmes et les enfans, qui venaient le toucher à tout instant pour s’assurer de la finesse de sa peau, et pour tâcher de lui enlever quelques lambeaux de sa chemise et du peu d’effets qui lui restaient. On lui demanda, pendant la soirée, de nouveaux renseignemens sur les guerres terribles que la France a eu à soutenir : il fallut alors qu’il en retraçât le récit sur le sable en caractères arabes. Ce fut cette excessive complaisance, et sa prétendue qualité de fils d’une mahométane et d’un chrétien, qui le mirent très-bien avec le prince Muhammed, et en général avec tous les Maures qu’il rencontra dans son voyage. À chaque instant du jour, le prince priait M. Kummer de faire marcher les rouages de sa montre, dont les mouvemens étonnaient singulièrement les Maures : notre voyageur n’était pas moins surpris de voir, au milieu des hordes, des enfans âgés de cinq ou six ans qui écrivaient parfaitement l’arabe[1].

Le lendemain, 8 juillet, au petit jour, les Maures furent se placer sur le sommet d’une hauteur. Là, prosternés et la face tournée du côté de l’orient, ils

  1. Il n’y a pas de doute que la méthode d’enseignement mutuel nous vient des peuples nomades, qui tous écrivent sur le sable et suivent exactement les règles adoptées dans nos nouvelles écoles.