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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

victimes : fort heureusement qu’on n’en vint pas aux mains. Beaucoup de ceux qui ont traversé le désert nous ont assuré qu’ils avaient eu des momens d’absence.

Écoutons M. Brédif : « Nous continuâmes notre route dans le reste de la journée du 8 juillet : la soif accablait plusieurs d’entre nous. Quelques-uns » les yeux hagards, n’attendaient plus que la mort. On creusa dans le sable, mais on n’en tira qu’une eau plus salée que celle de la mer. Un homme but de son urine.

« On se décida enfin à passer les dunes de sable ; on rencontra ensuite une plaine de sable presqu’aussi basse que l’Océan. Ce sable présentait un peu d’herbe sèche et dure. On creusa un premier trou à trois ou quatre pieds, et l’on, trouva une eau blanche et d’une mauvaise odeur. Je la goûte, elle était douce. Je m’écrie : nous sommes sauvés ! et ce mot est répété par toute la caravane qui se réunit autour de cette eau, que chacun avalait des yeux. Cinq ou six autres trous sont bientôt faits, et chacun se gonfle de ce liquide bourbeux. On resta deux heures en cet endroit et on tâcha de manger un peu de biscuit, pour se conserver quelques forces.

« Vers le soir, on reprend le bord de la mer. La fraîcheur de la nuit permettait de marcher ; mais la famille Picard ne pouvait nous suivre. On porte les enfans ; pour engager les matelots à les porter tour à tour, nous donnons l’exemple. La position de M. Picard était cruelle ; ses demoiselles et sa femme montrent un grand courage ; elles se mettent en hommes. Après