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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

porter des secours aux naufragés des embarcations et chercher le radeau. Pendant plusieurs jours il longea la côte sans nous rencontrer, et donna des vivres aux naufragés des embarcations qui traversaient le désert de Sahara. Croyant que ses recherches seraient désormais inutiles pour trouver notre machine, il fit voile pour la rade d’où il avait été expédié, afin d y aller annoncer l’inutilité de ses perquisitions ; c’est quand il courait sa bordée sur le Sénégal que nous l’aperçûmes. Le matin il n’était plus qu’à quarante lieues de l’embouchure du fleuve, lorsque les vents passèrent au sud-ouest : le capitaine, comme par une espèce d’inspiration, dit qu’il fallait revirer de bord. Les vents portaient sur la frégate ; après avoir couru deux heures sur ce bord, les hommes de garde annoncèrent un navire ; quand le brick fut plus près, à l’aide de lunettes, on nous reconnut. Lorsque nous fûmes recueillis par l’Argus, notre première question fut celle-ci : « Messieurs, nous cherchez-vous depuis long-temps ? » On nous répondit qu’oui ; mais que cependant le capitaine n’avait point reçu d’ordre positif à ce sujet, et que nous devions au hasard seul le bonheur d’avoir été rencontrés. Nous nous faisons un vrai plaisir de citer une phrase de M. Parnajon, adressée à l’un de nous : On m aurait donné le grade de capitaine de frégate, que j’éprouverais un plaisir moins vif que celui que j’ai ressenti en rencontrant votre radeau. Quelques personnes nous dirent franchement : Nous vous croyions tous morts depuis plus