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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

sur les insurgés avec tant d’impétuosité, qu’ils renversèrent tout sur leur passage, reprirent M. Lozach et le ramenèrent au centre du radeau.

La conservation de cet officier nous coûta des peines infinies. À tout instant les soldats demandaient qu’on le leur livrât, en le désignant toujours sous le nom de Danglas. Nous avions beau essayer de leur faire comprendre leur méprise, et de rappeler à leur mémoire que celui qu’ils demandaient avait remonté à leurs yeux, à bord de la frégate ; leurs cris étouffaient la voix de la raison ; tout était pour eux Danglas ; ils le voyaient partout ; ils demandaient sa tête avec fureur et sans relâche, et ce ne fut que par la force des armes que nous parvînmes à réprimer leur rage et à faire taire leurs épouvantables cris de mort.

Nuit affreuse ! tu couvris de tes sombres voiles ces odieux combats auxquels présidait le cruel démon du désespoir.

Nous eûmes aussi, dans cette circonstance, à trembler pour les jours de M. Coudin. Blessé, et fatigué des assauts qu’il avait soutenus avec nous, et où il avait montré un courage à toute épreuve, il se reposait sur une barrique, tenant dans ses bras un jeune marin de douze ans, auquel il s’était attaché. Les séditieux l’enlevèrent avec sa barrique et le lancèrent à la mer avec l’enfant qu’il ne lâcha pas. Malgré ce fardeau, il eut la présence d’esprit de se rattrapper au radeau et de se sauver de ce péril extrême.

Nous ne pouvons encore concevoir comment une