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CHAPITRE V.

la défense et de la protection de la colonie. Lorsque, par mesure de santé, on les fit baigner à la mer, cérémonie à laquelle quelques-uns eurent la pudeur d’essayer de se soustraire, tout l’équipage put se convaincre par ses yeux que c’était ailleurs que sur la poitrine que ces héros portaient la décoration réservée aux exploits qui les avaient conduits à servir l’état dans les ports de Toulon, de Brest ou de Rochefort.

Ce n’est pas ici le moment, et il ne serait peut-être pas de notre compétence d’examiner si la peine de la flétrissure, telle qu’elle est rétablie dans notre Code actuelle, est compatible avec le véritable but de toute bonne législation, celui de corriger en punissant, de ne frapper qu’autant qu’il est nécessaire pour prévenir et conserver, de faire sortir enfin le plus grand bien de tous, du moindre mal possible des individus. Ce que du moins la raison nous parait démontrer, ce que nous permet de croire l’expérience de ce qui s’est passé sous nos yeux, c’est qu’il est aussi dangereux qu’inconséquent de remettre les armes protectrices de la société à ceux que cette société même a rejetés de son sein ; c’est qu’il implique contradiction de demander du courage, de la générosité et ce dévouement qui commande à un cœur noble de se sacrifier pour son pays ou pour ses semblables, à des misérables, flétris, dégradés par la corruption, chez qui tout ressort moral est détruit ou éternellement comprimé par le poids de l’opprobre ineffaçable qui les rend étrangers à la