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chap 5 page 114
Le radeau de la Méduse, Lithographie non identifiée d'après un dessin de M. Monfort tirée de l'ouvrage de Corréard et Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821
Le radeau de la Méduse, Lithographie non identifiée d'après un dessin de M. Monfort tirée de l'ouvrage de Corréard et Savigny - Naufrage de la frégate La Méduse, 1821
Peint par M. Montfort Lithographie de illisible


La lune éclairait de ses tristes rayons ce funeste radeau, cet étroit espace où se trouvaient réunis tant de peines déchirantes,…


CHAPITRE V.
Désespoir des naufragés du radeau. — Les vivres manquent. — Prière. — Gros temps pendant ta nuit : plusieurs hommes sont emportés par les vagues. — Mort affreuse de douze autres. — Amour filial. — Trois hommes se précipitent dans les flots. — Vertige. — Sédition : combat. — Deux époux, jetés à la mer, sont sauvés par MM. Corréard et Lavillette. — Nouveau combat. — Les révoltés veulent rompre le radeau. — Le délire est général : il se calme un peu durant le jour et s’accroît pendant la nuit. — Soixante-cinq hommes périssent ; le reste éprouve les horreurs de la faim.


Après la disparition des embarcations, la consternation fut extrême. Tout ce qu’ont de terrible la soif et la faim se retraça à notre imagination, et nous avions encore à lutter contre un perfide élément qui déjà recouvrait la moitié de nos corps. De la stupeur la plus profonde les matelots et les soldats passèrent bientôt au désespoir ; tous voyaient leur perte infaillible et annonçaient par leurs plaintes les sombres pensées qui les agitaient. Nos discours furent d’abord inutiles pour calmer leurs craintes, que nous partagions cependant avec eux, mais qu’une plus grande force de caractère nous faisait dissimuler. Enfin une contenance ferme, des propos consolans, parvinrent peu à peu à les calmer, mais ne purent entièrement dissiper la terreur dont ils étaient frappés : car, selon la judicieuse réflexion qu’en