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5S6 ÉTUDE

J'ai vécu pour ma gloire autant quïl fallait vivre, Et laisse un grand exemple à qui pourra me suivre.

A son tour, Eurydice, grandie par l'amour, qui chez elle, comme chez toute héroïne cornélienne, est inséparable de l'admiration, se montre digne de lui :

L'amante d'un héros aime à lui ressembler Et voit ainsi que lui ses périls sans trembler.

Son intrépidité, il est vrai, << n'est qu'un effort de gloire », c'est elle qui le reconnaît. Elle aime, elle est femme plus qu'elle ne le paraît d'abord ; mais, il faut en convenir, au théâtre, un pareil amour est bien froid. Nous sommes loin de Rodrigue et de Chi- mène. Ce Suréua, qu'on nous a montré d'abord si plaintif, s'élève à la fin jusqu'à un stoïcisme trop surhumain pour être vraiment dramatique :

La tendresse n'est point de l'amour d'un héros : 11 est honteux pour lui d'écouter des sanglots; Et, parmi la douceur des plus illustres flammes, Un peu de dureté sied bien aux grandes âmes.

Voilà donc où aboutit le système cornélien poussé à l'extrême. Dans Horace déjà et dans plusieurs des pièces qui suivirent, le héros dépouillait trop facilement l'homme. Mais ce que son hé- roïsme avait d'un peu dur et absolu était adouci et attendri par le voisinage de figures plus touchantes, relevé par un grand in- térêt historique ou moral; ici, Suréua se dresse seul au milieu de personnages plus abstraits que vivants, et la querelle entre Orode et lui n'a rien qui nous passionne. On marche sans impatience au dénouement attendu : Suréna, trop généreux pour être défiant, est lâchement assassiné par ordre du prince qui lui doit tout. Eu- rj'dice ne lui survit pas; mais, du moins, trouve, avant de le suivre, un mot tout cornélien. Comme la sœur du héros lui re- proche de ne point pleurer celui dont elle a involontairement causé la mort, elle répond en héroïne.

PALMIS.

Quoi! vous causez sa perte et n'avez point de pleurs?

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