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562 ÉTUDE

En un mot, je suis l'Amour même, Qui de mes propres traits m'étais blessé pour vous; Et sans la violence, hélas! que vous me faites, Vous m'alliez avoir pour époux. Vos volontés sont satisfaites. Vous avez su qui vous aimiez, Vous connaissez l'amant que vous charmiez;

Psyché, voyez où vous en êtes : Vous me forcez vous-même à vous quitter; Vous me force? vous-même à vous ôter Tout l'elîet de votre victoire. Peut-être vos beaux yeux ne me reverront plus. Ce palais, ces jardins, avec moi disparus, Vont faire évanouir votre naissante gloire. Vous n'avez pas voulu m'en croire ; Et pour tout fruit de ce doute éclairci. Le Destin, sous qui le Ciel tremble, Plus fort que mon amour, que tous les Dieux ensemble, Vous va montrer sa haine, et me chasse d'ici.

(L'Amour disparaît, et, dans l'instant qu'il s'envole, le superbe jardin s'évanouit. Psyché demeure seule au milieu d'une vaste cam- pagne, et sur le bord sauvage d'un grand fleuve, où elle se veut précipiter. Le dieu du fleuve paraît, assis sur un amas de joncs et de roseaux, et appuyé sur une grande urne, d'où sort une grosse source d'eau.)

En vain Psyché se lamente; eu vain elle s'accuse de sa fatale imprudence, avec un accent que l'on sent bien sincère :

Je sens croître l'amour, quand j'ai perdu l'amant.

Le dieu du fleuve l'empêche de chercher la mort dans ses ondes, et Vénus irritée descend du ciel pour accabler cette mortelle qui ose être sa rivale. Mais Psyché, femme de Corneille, est femme de tète autant que de cœur. Avec un esprit un peu précieux, elle ré- pond à Vénus :

Si de quelques mortels on m'a vue adorée, Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas

Dont leur âme inconsidérée Laissait charmer des yeux qui ne vous voyaient pas?

Je suis ce que le Ciel m'a faite. Je n'ai que les beautés qu'il m'a voulu prêter. Si les vœux qu'on m'offrait vous ont mal satisfaite, Pour forcer tous les cœurs à vous les reporter,

Vous n'aviez qu'à vous présenter,

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