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SUR TITE ET BÉRÉNICE 531

avait laissé la Flandre enlevée aux Espagnols, et qui couliail » l'heu- reux choix des jeux et des plaisirs » de sa cour à un Molière ou à un Racine. Ces jeux pourtant étaient-ils toujours inoffensifs? ces plaisirs étaient-ils toujours sans danger, et ne pouvait-ou pas craindre d"y voir languir un monarque qui avait donné de si hères espérances? S'il est un lieu commun qui revienne à satiété dans les tragédies cornéliennes de la seconde manière, c'est celui-ci, que nous avons déjà noté dans Sophonisbe :

Quand aux feux les plus beaux un monarque défère,

11 s'en fait un plaisir, et non pas une affaire.

Et regarde l'amour comme un lâche attentat

Dès qu'il veut prévaloir sur la raison d'Etat.

Son grand cœur, au-dessus des plus dignes amorces,

A ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces;

Et son plus doux espoir n'ose lui demander

Ce que sa dignité ne lui peut accorder.

C'est Flavian, confident de Tite, qui lui fait entendre ces conseils venus d'un esprit politique plus que d'un cœur sensible. Ces con- fidents de tragédie ne jouent pas toujours, en général, le rôle passif d'auditeurs bénévoles; héritiers, en ligue collatérale, du chœur antique, tantôt ils interprètent la pensée du poète, tantôt ils philosophent pour leur propre compte. Albin, le savant théori- cien de l'égoïsme humain, en sait long aussi sur le cœur des femmes. A Domitian, qui s'étonne des transports jaloux de Domitie, il répond :

Seigneur, telle est l'humeur de la plupart des femmes.

L'amour sous leur empire eût-il raugé mille âmes.

Elles regardent tout comme leur propre bien

Et ue peuvent souffrir qu'il leur échappe rien.

Un captif mal gardé leur semble une infamie;

Qui l'ose recevoir devient leur eimemie ;

Et sans leur faire un vol on ne peut disposer

D'un cœur qu'un autre choix les force à refuser :

Elles veulent qu'ailleurs par leur ordre il soupire,

Et qu'un don de leur part marque un reste d'empire.

Cette métaphysique amoureuse n'était point pour déplaire aux précieuses de marque qui soutenaient Corneille de leur admiration fidèle. Et Corneille, on le sait, ne dédaignait pas de flatter le goût du public, souvent même aux dépens de la vraisemblance drama-

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