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SUR OTHON 473

Qu'importe qu'on leur voie ou plus ou moins d'éclat" Faisons nos sûretés, et moquons-nous du reste. Point, point de bien public, s'il nous devient funeste De notre grandeur seule ayons des cœurs jaloux; Ne vivons que pour nous, 'et ne pensons qu'à nous.

Voilà de ces entretiens qui lassaient Despréaux et lui semblaient refroidir l'action; voilà aussi des beautés exclusivement corué- liennes, un peu graves, mais d'une virilité que rien n'égale. Pour- quoi les proscrire? Les formes de l'art sont infiniment variées. Le drame historique et politique, tel que Corneille l'a conçu, est une œuvre austère, mais forte et souvent bien humaine. Voltaire ad- mirait le portrait que Lacus trace d'Othon; le portrait de Pison, qui fait antithèse, n'est pas moins beau. Quel spectacle que celui de ces vils maîtres du monde, qui décident du sort de Rome au mieux de leurs misérables intérêts, qui se montrent l'un à l'autre tels qu'ils sont, avec trop peu de discrétion sans doute; mais qu'ont-ils à se cacher? Quel langage que celui de Lacus définis- sant la » vertu » qui convient aux princes, écartant Othon parce qu'il aurait trop cette vertu vicieuse, préférant Pison parce que la vertu sincère de Pison fera son impuissance! Cette scène est remarquable à plus d'un titre : non seulement elle peut être rap- prochée des belles conversations ou des beaux discours politiques qui donnent une originalité un peu abstraite à certains actes de Cinna, de Pompée, de Sertorius: mais il paraît évident que le por- trait d'Othon, qui '<■ consulte et résout seul », est le portrait du jeune Louis XIV, alors enfin affranchi de la tutelle de .Mazarin et décidé à gouverner par lui-même. Ceux qui savent avec quelle adresse, parfois trop ingénieuse, Corneille ajoute à ses pièces le mérite facile de l'actualité, comme on dirait aujourd'hui, n'hésite- ront pas à voir une allusion aux événements contemporains dans ce passage que le poète semble développer avec une complaisance significative. On avait trop souffert de la toute-puissance des favo- ris pour ne pas saisir au vol et applaudir une telle épigramme à la fois et un tel éloge. Toutefois, Tallemant des Réaux tombe dans une de ses exagh'ations habituelles lorsqu'il écrit : » Corneille a lu par tout Paris une pièce qu'il n'a pas encore fait jouer. C'est le couronnement d'Othon. 11 n'a pris ce sujet que pour faire con- tinuer les gratifications du Roi en son endroit ; car il ne fait préfé- rer Othon à Pison par les conjurés qu'à cause, disi'ut-ils, qu'Othou gouvernera lui-même et qu'il y a plaisir à travailler sous un

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