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454 ÉTUDE

d'œuvre des autres.» Mais, dans sou ensemble, enfin, le jugement n'est point favorable au « prince des poètes français », et Grauet u'a point tort d'en accuser la sévérité outrée.

Ce qui en atténuait la cruauté, c'était je ne sais quel air de viva- cité juvénile qui y était répandu. Rien déplus pédantesque , i.u contraire, et de plus froidement outrageant que le pamphlet daus lequel l'abbé d'Aubignac reprit, compléta et exagéra les critiques de Douneau de Visé i. L'auteur de la Pratique du Théâtre s'etlorcc vainement ici de prendre le ton et l'allure d'un homme du monde. Il feint de répondre à une duchesse qui lui a demandé son senti- ment sur la Sophonisbe. C'est le sujet mémo qu'il condamne tout d'abord : Pourquoi reprendre un sujet déjà traité par Mairet ? pour- quoi s'exposer à une comparaison fâcheuse? car la première So- phonisbe est plus judicieusement conduite. 11 faut, dans ce pam- phlet lourdement didactique, faire la part des critiques puériles et des ci'itiques acceptables. 11 est puéril, par exemple, de critiquer les deux récits faits par deux reines à leurs suivantes, sous prétexte que les reines n'ont pas l'habitude de s'abaisser à ces confidences subalternes ; mais il n'est point si déraisonnable de constater que les raisonnements politiques sont froids, surtout dans la bouche des femmes, qu'ils étouffent souvent les sentiments et les passions, et qu'une fidélité trop scrupuleuse aux données de l'histoire peut compromettre l'intéi'êt humain et la vivacité du drame : « 11 ne faut jamais s'attacher aux circonstances de l'histoire quand des ne s'accordent pas avec la beauté du théâtre ; il n'est point néces- saire que le poète s'opiniàtre à faire l'historien. » Par malheur, le vrai n'est qu'entrevu , et presque aussitôt il cesse d'être vrai, à force d'être absolu. Aucun personnage cornélien n'est épargné : ni Sophonisbe, l'héroïne (« Quelle héroïne! elle n'a pas un seul senti- ment de vertu ») ; ni Éryxe, plus raisonnable, mais dont l'action pourrait se passer; ni le triste Syphax,dont ou rit; ni Massinisse, encore moins honnête homme. Le dénouement surtout est lon- guement discuté et raillé. Corneille avait tout mérité: il n'avait point de commerce avec d'Aubignac — c'est d'Aubignac qui nous l'apprend — et il avait négligé d'emprunter au docte abbé l'art de faire une mauvaise pièce dans les règles.

Par là le critique prêtait le flanc lui-même aux épigrammes : car il avait écrit pour le théâtre, et l'on avait le droit de lui répondre,

1. Remarques sur la tragédie de Sophonisbe de M. de Corneille, réimprimées

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