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448 ÉTUDE

Alors qu'on sait mourir, on sait tout éviter ;

Mais, comms enfin la vie est bonne à qvielque chose,

Ma patrie elle-même à ce (Jesr^eiu s'oppose,

Et m'en désavouerait, si j'osais me ravir

Les moyens que l'amour m'ollre de la servir.

L'idée, toujours l'idée étouffant le sentiment! De là cette froi- deur de l'intérêt dramatique. Et de quel côté l'intérêt peut-il être? Du côté d'Éryxe, la rivale malheureuse de Sophonisbe? Mais sa jalousie contenue et son indilférence affectée n'ont rien qui nous puisse émouvoir. Du côté de Syphax captif? Mais combien fausse est sa situation vis-à-vis de cette femme qui n'est plus à lui, de cette ingrate qu'il a d'abord tant de joie à revoir ! Instruit de tout, il s'étonne, s'indigne, se désespère. C'est qu'il ne comprend pas, c'est qu'il n'a jamais compris Sophonisbe. Elle s'explique pourtantavec franchise :

SOPHOXISBE.

Ma gloire est d'éviter les fers que vous portez, D'éviter le triomphe où vous vous soumettez. Ma naissance ne voit que celte honte à craindre. Enfin détrompez-vous, il siérait mal de feindre : Je suis à Massiuisse, et le peuple en ces lieux Vient de voir notre hymen à la face des Dieux ; Nous sortons de leur temple.

SYPH.\X.

Ah! que m'osez-vous dire"?

SOPHONISBE.

Que Rome sur mes jours n'aura jamais d'empire. J"ai su m'en affranchir par une autre union. Et vous suivrez sans moi le char de Scipiou.

SYPH.\X.

Le croirai-je, grands Dieux! et le voudra-t-on croire,

Alors que l'avenir en apprendra l'histoire?

Sophonisbe servie avec tant de respect.

Elle que j'adorai dés le premier aspect.

Qui s'est vue à toute heure et partout obéie,

Insulte lâchement à ma gloire trahie.

Met le comble à mes maux par sa déloyauté,

Et d'un crime si noir fait encor vanité!

SOPHONISBE.

Le crime n'est pas grand d'avoir l'âme assez haute Pour conserver un rang que le destin vous ôte : Ce n'est point un honneur qui rebute en deux jours;

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