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ETUDE

Au reste, pour ouvrir tout mou cœur avec vous, Je n'aime poiut Carthage à l'égal d'un époux; Mais, bien que moius soumise à son destin qu'au vôtre, J'y crains également et pour l'un et pour l'autre; Et ce que je vous suis ne saurait euipêcher Que le plus malheureux ne me soit le plus cher.

Jouissez de la paix qui vous vient d'être otl'erte, Tandis que j'irai plaindre et partager sa perte; J'y mourrai sans regret, si mon dernier moment Vous laisse en quelque état de réguer sûrement. .Mais, Car.hage détruite, avec quelle apparence Oserez-vous gai'der cette fausse espérance? Rome, qui vous redoute et vous ilatte aujourd'hui. Vous craindra-t-elle encor, vous voyaut sans appui. Elle c[ui de la paix ne jette les amorces Que par le seul besoin de séparer vos forces. Et qui dans Massinisse, et voisin et jaloux. Aura toujours de quoi se brouiller avec vous? Tous deux vous devront tout. Carlhage abandonnée Vaut pour l'un et pour l'autre une grande journée. Mais un esprit aigri n'est jamais satisfait Qu'il n'ait vengé l'injure en dépit du bienfait. Pensez-y : votre armée est la plus forte en nombre; Les Romains ont tremblé dès qu'ils en ont vu l'ombre; Utique à l'assiéger retient leur Scipion : Un temps bien pris peut tout : pressez l'occasion. De ce chef éloigné la valeur peu commune Peut-être à sa personne attache leur fortune : 11 tient auprès de lui la fleur de leurs soldats. En tout événement Cvrthe vous tend les bras ; Vou> tiendrez, et longtemps, dedans cette retraite. Mon père cependant répare sa défaite ; Hannon a de l'Espagne amené du secours ; Annibal vient lui-même ici dans peu de jours. Si tout cela vous semble un léger avantage, Renvoyez-moi, Seigneur, me perdre avec Carthage : J'y périrai sans vous; vous régnerez sans moi. Vous préserve le Ciel de ce que je prévoi! Et daigne sou courroux, me prenant seule en butte, M'exempter par ma moi't de pleurer votre chute!

��A des charmes si forts joindre celui des pleurs, Soulever contre moi ma çli>ire et vos douleurs ! C'est trop, c'est trop. Madame; il faut vous satisfaire Le plus grand des malheurs serait de vous déplaire, Et tous mes sentiments veulent bien se trahir A la douceur de vaincre ou de vous obéir. La paix eût sur ma tête assuré ma couronne; 11 faut la refuser, Sophouisbe l'ordonne ; 11 faut servir Carthage et hasarder l'Etat.

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