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426 ETUDE

des guerres civiles préparent lenteruent à la paix dans la servi- tude. Le lecteur voit revivre ce passé dans cet ample cadre du drame historique. Mais l'auditeur, qui veut être pris par les en- trailles, est moins sensible à la grandeur un peu abstraite de ce qu'on peut appeler la tragédie intellectuelle.

Toutefois il ne faudrait pas croire qu'un tel genre de drame, plus élevé assurément que chaleureux, fût trop froid pour se soutenir A la scène. Les caractères y sont fortement dessinés, l'intrigue y est logiquement suivie.

Si Sertorius a le tort, au début, de se créer entre Aristie et Vi- riate la situation la plus gênante, bientôt son cœur se réchauffe, sa parole s'anime au souffle de la passion vraie. Il s'y abandonne, et rougit de s'y abandonner; il n'ose espérer, et, lorsque l'esp»' rance lui est permise, il meurt, frappé par le rival qu'il a voulu servir. La gloire du soldat serait peu dramatique si le malheur de l'homme ne nous touchait.

Si Viriate se vante trop d'être à l'épreuve de la tendresse, et le prouve trop par son langage, du moins dans ce laugage et dans les actes qui le suivent il y a une grandeur imposante. Cette fierté un peu farouche de la reine qui ve Jt bien se donner, mais ne veut pas se laisser conquérir, fait de Viriate la digne sœur des Emilie, desCornélie, des Laodice, des Rod<"'gurie, des Sophonisbe, de toutes ces héroïnes de Corneille qu'en peut bien ne pas aimer « d'amour tendre », mais qui commandent le respect.

Si Aristie offre trop délibérément sa main k Sertorius, alors que son cœur est à Pompée, elle ne joue pas longtemps ce rôle ingrat. Ses vrais sentiments, nous lîs voyons éclater à la première occasion. Elle a la fière pudeur d'une matrone romaine outragée, l'affection résolue d'une épouse malheureuse, qui ne peut se ré- signer à son malheur, parce qu'elle aime et se sait encore aimée.

Si Pompée — dont la situation entre Emilie et Aristie n'est pas moins fausse que celle de Sertorius entre Aristie et Viriate — dé- courage tout d'abord notre sympathie par ses tergiversations éter Belles, il la reconquiert lorsque nous découvrons en lui, à côté d'un caractère faible, un cœur sincère et généreux. L'abdication de Sylla le rend à sa vraie nature, qui est portée au grand, et c'est bien le grand Pompée que le dénouement offre à notre ad. miralion.

11 n'est pas jusqu'à Perpenna qui n'ait un caractère très persou-

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