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SUR SERTORIUS 415

POMPÉB.

Adieu donc pour deux jours.

AR[SÏ1E.

Adieu pour tout jamais!

Le ton s'est relevé, et cette fin de scèue est tout à fait corné- lienne, avec ses ironies, ses moiivemeuts impétueux, ses ripostes pressées, ses adieux, si louchants d'im côté, si tiers de l'autre. D'où vient cependant qu'à tout prendre l'émotion ne soit pas très vive? C'est que la situation est fausse des deux parts : Pompée ne peut pas abandonner Emilie, parce qu'il craint Sylla, et dès lors sa pusillanimité nuit à l'effet de sa passion, si sincère qu'elle soit ; Aristie, qui aime Pompée et u'aime pas Sertorius, songe à épouser Sertorius pour se venger de Pompée, si celui-ci ne revient pas à elle, et dès lors ses projets de vengeance, si légitimes qu'on les juge, cette froide idée d'un mariage politique, gâtent les plus beaux élans de sa tendresse conjugale.

Acte IV. — Les quatre premiers actes de Srvloriiis se corres- pondent exactement. Premier acte : Aristie. Second acte : Viriate. Troisième acte : Aristie. Quatrième acte ; Viriate. Le cinquième nous montrera les deux héroïnes réunies.

IMais telle est la puissance du génie de Corneille, que de ce double amour, si froid dans les deux premiers actes, il tire dans les actes suivants d'admirables effets dramatiques. Au troisième acte,Ml nous a, pour ainsi dire, réconciliés avec Aristie, en lui prêtaut cet amour conjugal, tourà tour si tendre, si pressant et si fier. Au quatrième, il va nous réconcilier, non seulement avec Viriate, qui parlera le vrai langage d'une reine, mais avec Sertorius, dont l'amour incertain nous avait laissés jusqu'ici assez indifférents. Nous pouvions ne croire qu'à un amour tout politique, puisque ce sont des considé- rations politiques qui seules le faisaient hésiter entre Aristie et Viriate. A la vérité, il avait déclaré sa préférence pour celle-ci, mais il avait bien vite sacrifié à Perpenna sa passion naissante. Dans l'intervalle, cette passion a grandi par les efforts mêmes qu'il a faits pour la réprimer. Maintenant il aime vraiment, et il souffre. Nous regrettons encore que l'amour de ce héros se manifeste par des soupirs indigues de lui; mais comme l'accent de la plainte est sincère! L'ironie légère de ïhamire, la confidente de Viriate, pro- voque cette explosion de sentiments longtemps contenus;

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