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SÛR SÈRTQRIUS i07

On conçoit l'embarras de Sertoriiis, mais on ne peut que le plaindre : s'il épouse Aristie, qu'il n'aime pas et dont il n'est pas aimé, il perd Viriate qu'il aime; s'il ne l'épouse pas, il perd tout à la fois Viriate, qu'il aura donnée à Perpeuua, en vertu de sa promesse, et Aristie, qui sera rendue à son cher Pompée. Ce général d'armée joue là un rôle bien étrange.

Acte II. — L'acte 11 est consacré à l'Espagnole Viriate, comme l'acte I* à la Romaine Aristie. Corneille a recherché cette an- tithèse. Dans la lettre fi l'abbé de Pure, il indique clairement son intention : « Si le reste suit du même air, je ne crois pas avoir rien écrit de mieux. Mes deux héroïnes ont le même caractère de vou- loir épouser par ambition un homme pour qui elles n'ont aucun amour, et le dire à lui-même; et toutefois je crois que cette ressemblance se trouvera si diversifiée par la manière de l'expri- mer, que beaucoup ne s'en apercevront pas. Elles s'offrent toutes deux à lui sans blesser la pudeur du sexe ni démentir la fierté de leur rang. Les vers en sont assez forts et assez nettoyés, et la nouveauté de ce caractère pourra ne déplaire pas, si elle est bien soutenue par le reste de l'action. » Nous craignons fort que Cor- ueille ne se trompe, et nous ne voyons pas trop en quoi est « di- versifiée » cette ressemblance eiitre les deux froides amantes de Sertorius. Toutes deux, le poète l'avoue, ne démentent point la fierté de leur rang, et l'expression de cette fierté trop tendue a quelque chose de monotone. Nulle part la passion vraie et naïve, nuUe part les touchantes effusions du cœur. Tout est intellectuel, tout est dirigé vers le grand, ou simplement vers l'utile. Écoutez Viriate faire à sa confidente Thamire l'aveu de ce qu'elle appelle à tort son amour pour Sertorius.

VIRIATE.

Sertorius, lui seul digue de Viriate,

Mérite que pour lui tout mon amour éclate.

Iais-lui, fais-lui savoir le glorieux dessein

De rn affermir au trône en lui donnant la main :

Dis-lui... Alais j'aurais tort d'instruire ton adresse,

Moi qui connais ton zèle à servir ta princesse.

��Madame, en ce héros tout est illustre et grand : Mais, à parler sans fard, votre amour me surprend. 11 est assez nouveau qu'un homme de son âge Ait des charmes si forts pour un jeune courage,

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