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SUR SERTORIUS 403

plus seuleiueut l'alliée de Sertorius, elle lui offre sa maiu. Ce u'est poiiil pour traiter avec Sertorius de graves intérêts politiques qiin Pompée vient vers lui, c'est pour revoir sa femme Aristic, d(uil il est séparé. Aristie, de sou côté, u'a gagné le camp de Sertorius que pour se venger de Pompée en épousant sou adversaire. Enfin, si Perpeuna met à mort son général, c'est par jalousie d'amour : car il aime Viriate, qui aime Sertorius et est aimée de lui. Ainsi cette tragédie héroïque tourne à la tragi-comédie romanesque.

Encore le roman a-t-il son charme, et la passion sou éloquence; mais il faut que le roman soit attachant et que la passion soit vraie. Or Corneille u'a pas su prendre franchement son parti. Dans cette tragédie forte, mais peu harmonieuse et d'une couleur géné- rale incertaine, le mélange de l'amour gâte la politique, et le mé- lange de la politique refroidit l'amour : car la politique est partout ici. Nous l'avons observé ailleurs ', Sertorius, placé entre Viriate, personnification de rEs[)agne indépendante, — et Aristie, per- sonnification de l'aristocratie romaine, — semble hésiter beaucoup moins entre deux amours qu'entre deu.x politiques, entre Falliance espagnole et l'alliance romaine. Et l'on n'a pas affaire à une erreur d'un moment, mais à une théorie très nettement conçue et que Corneille, un peu plus tard, formulera en ces termes : « J'ai cru, jusques ici. cfue l'amour était une passion trop chargée de faiblesse pour être la dominante dans une pièce historique ; j'aime qu'elle y serve d'ornement, et non pas de corps, et que les grandes âmes ne la laissent agir qu'autant qu'elle est compatible avec de plus no- hles impressions 2. » Avec ce système, on aboutit à peindre un amour raisonnable qui n'est plus l'amour, et l'on prête le flanc aux critiques, trop dures sans doute dans la forme, d'uu W. Schlegel : » Dans, Sertorius, Corneille a trouvé le moyeu de faire paraître petit le grand Pompée, et ridicule le héros de la pièce. Sertorius s'écrie :

Que c'est un sort cruel d'aimer par politique !

« Ce vers peut s'appliquer à tous les personnages de la tragédie. Aucun n'aime véritableineut. mais tous foaat servir un amour pré- tendu à un but politique. Un guerrier endui'ci, Sertorius, fait, eu cheveux blancs, l'amoureux d'une reine espagnole, Viriate; cepen-

1. Etude d'ensemble, t. I.

2. Lettre à Saint-Evremond, 1666.

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