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rant une trêve. On a soulTert Cinna et Maxime, qui en ont consumé davantage à consulter avec Auguste. Les vers de ceux- ci me semblent aussi forts et plus pointilleux, ce qui aide souvent au théâtre, où les picotcries soutiennent et réveillent l'attention de l'auditeur 1. » Rassuré au lendemain de la représentation, il constate le » plaisir qu'on a pris à cette conférence, que quelques- uns des premiers dans la cour, et pour la naissance et pour l'es- prit, ont estimée autant qu'une pièce entière 2 ».

Ce n'eût pas été l'avis de Dryden. Il ne pouvait souffrir ces longs discours qui sur la scène française suspemient et refroidis- sent l'action : « Je ne nie pas, disait-il, que cela puisse convenir à l'humeur des Français. Nous qui sommes plus moroses, nous ve- nons au théâtre pour être divertis; eux, qui sont d'un tempérament gai et léger, y viennent pour se rendre plus sérieux. » Faisons, si l'on veut, dans ce goût pour les développements oratoires, la part du tempérament national. Mais le tempérament d'une race est le résultat dune foule d'iuflucuces très diverses. Pour n'en citer qu'une, nos premiers auteurs dramatiques du xvi= siècle ont été à l'école de Séuèque le Tragique, à coup sûr moins tragique que déclamateur. Chez les Grecs même ils ont imité Euripide plus volontiers que Sophocle, peut-être, il est vrai, par une secrète affinité de génie. Ils ont ainsi habitué peu à peu le public à ne pas attribuer à la parole moins d'importance qu'à l'action. Au xvn« siècle, surtout dans sa première partie, ce goût ne tît que se développer, et nous croyons volontiers avec Voltaire que la grande scène du troisième acte a puissamment contribué au succès de Sertoriiis. Jamais les conversations politiques, les débats sur les questions les plus graves, n'ont été plus à la mode qu'à la veille ou au lendemain de la Fronde. Corneille le savait, lui qui, dans Œdipe, avait transformé Thésée en docteur de la grâce suffisante; lui qui, dans Tite et Bérénice, mettra dans la bouche d'un confi- dent obscur un curieux exposé du système de La Rochefoucauld. Les héros de Racine sont aussi des discoureurs ; seulement, leurs discours sont moins longs, moins abstraits, plus habilement rat- tachés à l'action.

Il ne semble pas, au premier abord, que le xviii» siècle, le siècle de la philosophie, soit fait pour amoindrir au théâtre ce

1. Lettre de Rouen, 8 novembre 1661. S. An lecteur.

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