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N’y rend pas de l’honneur tous les droiU amortis.
Comme le vrai mérite a ses prérogatives,
Qui preuueut le dessus des haiues les plus vives,
L’estime et le respect sont de justes tributs
Qu’aux plus fiers ennemis arracheut les vertus ;
Et c’est ce que vient rendre à la haute vaillance
Dont je ne fais ici que trop d’expérience,
L’ai’deur de voir de près un si fameux héros,
Sans lui voir eu la main piques ni javelots.
Et le front désarmé de ce regard terrible
Qui dans nos escadrons guide un bras invincible.
Je suis jeune et guerrier, et tant de fois vainqueur,
Que mou trop de fortune a pu m’enller le cœur ;
Mais, et ce franc aveu sied bien aux grands courage?,
J’apprends plus contre vous par mes désavantages’.
Que les plus beaux succès qu’ailleurs j’aie empoitès
Ne m’ont encore appris par mes prospérités.
Je vois ce qu’il faut faire, à voir ce que vous faites:
Les sièges, les assauts, les savantes retraites,
Bien camper, bien choisir à chacun son emploi,
Votre exemple est partout une étude pour moi.
Ah ! si je vous pouvais rendre à la république,
Que je croirais lui faire un présent magnifique !
Et que j’irais. Seigneur, à Rome avec plaisir,
Puisque la trêve entin ni’eu donne le loisir,
Si j y pouvais porter quelque faible espérance
D’y conclure uu accord d’une telle inqjoitance!
Près de l’heureux Sylla ne puis-je rien pour vous?
Et près de vous. Seigneur, ne puis-je rien pour tous?

SERTORIUS.

Vous me pourriez sans doute épargner quelque peine.
Si vous vouliez avoir l’àme toute romaine :
Mais, avant que d’entrer en ces difficultés,
Souli’rez que je réponde à vos civilités.
Vous ne me donnez rien par cette haute estime
Que vous n’ayez déjcà dans le degré sublime.
La victoire attachée à vos premiers exploits.
Un triomphe avant l’âge où le soufTrent nos lois,
Avant la dignité qui permet d’y prétendre,
Fout trop voir quels respects 1 univers vous doit rendre
Si dans l’occasion je ménage un peu mieux
L’assiette du pays et la faveur des lieux.
Si mon expérience en prend quelque- avantage,
Le grand art de la guerre attend quelquefois l’âge;
Le temps y fait beaucoup ; et de mes actions
S’il vous a" plu tirer quelques instructions.
Mes exemples un jour ayant fait place aux vôtres,
Ce que je vous apprends’, vous l’apprendrez à d’autres;
Et ceux qu’aura ma mort saisis de mon emploi
S’instruiront contre vous, comme vous contre moi.