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388 ÉTUDE

vant et passionné que nous allons avoir devant les yeux, c'est un tableau d'histoire, d'une sévérité presque abstraite. C'est à notre intelligence plus qu'à notre cœur qu'une telle lecture s'adresse : car « la politique fait Tàme de toute cette tragédie i », et la poli- tique la plus haute a quelque chose de froid.

L'ère des guerres civiles s'est ouverte; la liberté n'existe plus que de nom. Dernier lieutenant de Marins, Sertorius croit le dé- fendre eu Espagne contre Pompée, lieutenant de Sylla; il ne dé- fend que les intérêts d'un parti qui expire. Ce parti même est divisé par des rivalités et des haiues secrètes; Perpenna, qui sert sous Sertorius, mais qui, de naissance plus haute, ambitionne le commandement, songe à se débarrasser de son général par un assassinat. Il hésite' encore; mais Aufide, un de ces perfides et cyniques conseillers que Corneille avait déjà peints en traçant le caractère de Photin, lui fait honte de ses remords:

��Quel honteux contretemps de vertu délicate S'oppose au beau succès de l'espoir qui vous flatte? Et depuis quand, Scigueur, la soif du premier rang Craint-elle de répandre un peu de mauvais sang? Avcz-vous oublié cette grande maxime. Que la guerre civile est le règue du crime; Et qu'aux lieux où le crime a plein droit de régner L'innocence timide est seule à dédaigner? L'honneur et la vertu sont des noms ridicules : Marins ni Carbon n'eurent point de scrupules; Jamais Sylla, jamais....

PEKPENNA.

Sylla ni Marius N'ont jamais épargné le sang de leurs vaincus; Tour a tour la victoire, autour d'eux en furie, A poussé leur courroux jusqu'à ia barbarie ; Tour à tour le carnage et les proscriptions Ont sacrifié Rome à leurs dissensions,-

Mais leurs sanglants discords. qui nous donnent des maîtres, Ont fait des meurtriers, et n'ont point fait des traîtres ; Leurs plus vastes fureurs jamais n'ont consenti Qu'aucun versât le sang de son propre parti; Et dans l'un ni dans l'autre aucun n'a pris Faudace D'assassiner son chef pour monter eu sa place.

1. Au lecteur. — M. Desjardins a jugé Sertorius au point de vue historique {le Grand Corneille historien), mais trop eichisivenient à ce point de vue, ce nous semble. Son étude sent trop la thèse.

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