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382 ÉTUDE

Ou ne va plus au bal, ou ne va plus au Cours! Hiver, été, printemps, bref, opéra toujours '.

Pour La Fontaine, dédaigneux de la mode, à toute la musique d'Isis il préfère le clavecin touché par les doigts de M"e Certain, précoce musicienne. A merveille; mais, en ce cas, pourquoi donc s'est-il laissé lui-même séduire par ce Lulli dont il raille ici le talent épuisé et les répétitions perpétuelles? Pourquoi a-t-il con- senti à écrire, lui aussi, son opéra? Il est vrai que cette inconsé- quence nous a valu la meilleure, on peut dire la seule satire 2 que le bonhomme ait écrite.

Au contraire de La Fontaine, qui critiquait les machines, La Bruyère semble regretter leur disparition ou plutôt leur subordi- nation à la musique: -< L'on voit bien, dit-il, que l'opéra est l'ébauche d'un grand spectacle: il en donne l'idée. Je ne sais pas comment l'opéra, avec une musique si parfaite et une dépense toute royale, a pu réussir à m'ennuyer. Il y a des endroits dans l'opéra qui laissent en désirer d'autres. Il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spectacle: c'est faute de théâtre, d'actiou et de choses qui intéressent. » Voilà pour la critique du genre, et La Bruyère est ici d'accord avec Saint-Evremoud. Voici pour l'éloge des machines, que Lulli avait fini par presque annihiler : << L'opéra jusques à ce jour n'est pas un poème, ce sont des vers; ni un spectacle, depuis que les machines ont disparu par le bon ménage d'Amphion et de sa race 3 : c'est un concert, ou ce sont des voix soutenues par des instruments. C'est prendre le change et cultiver un mauvais goût que de dire, comme l'on fait, que la machine n'est qu'un amusement d'enfants et qui ne convient qu'aux marionnettes: elle augmente et embellit la fiction, sou- tient dans les spectateurs cette douce illusion qui est tout le plai- sir du théâtre, où elle jette encore le merveilleux *. » Il est vrai que La Bruyère ajoute : » Il ne faut point de vols, ni de chars, ni de changements aux Béi^énices », et par là semble mettre la tragédie fort au-dessus d'un genre dont les machines sont l'élé- ment essentiel. Cependant il conclut: « Le propre de ce spectacle est de tenir les esprits, les yeux et les oreilles dans un égal en-

1. Epitre à M. de Niert.

2. Le Florentin.

3. Lulli, ses dcus fils et sod gendre Francin'e.

4. Ouvrages de l'esprit.

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