SUR La toison D'OR 381
dont les recettes furent fabuleuses, à tel point qu'on supprima momentanément les places privilégiées sur le théâtre, M. Despois nous apprend que les grands, les moyens et les petits « voleurs» étaient payés de dix sous à une livre par soirée. La Fontaine, qui se plaint « du déchaînement qu'on a pour l'opéra », nous en dé- taille avec une ironique bonhomie les splendeurs douteuses, et ne cache point sa préférence pour l'éclat plus sobre et plus vrai de la tragédie :
��De machines d'abord le surprenant spectacle
Eblouit le bourgeois, et fit crier miracle.
Mais la seconde fois il ne s'y pressa plus:
Il aima mieux le Cid, Horace, Héraclhis.
Aussi de ces objets l'àme n'est point émue,
Et même rarement ils contentent la vue.
Quand j'entends le sifflet, je ne trouve jamais
Le changement si prompt que je me le promets.
Souvent au plus beau char le contrepoids résiste;
Un dieu pend à la corde, et crie au machiniste;
Un reste de forêt demeure dans la mer.
Ou la moitié du ciel au milieu de l'enfer.
Quand le théâtre seul ne réussirait guère,
La comédie au moins, me diras-tu, doit plaire;
Les ballets, les concerts, se peut-il rien de mieux
Pour contenter l'esprit et réveiller les yeux?
Ces beautés néanmoins, toutes trois séparées,
Si tu veux l'avouer, seraient mieux savourées.
De genres si divers le magnifique appas
Aux règles de chaque art ne s'accommode pas.
Il ne faut pas. suivant les préceptes d'Horace,
Qu'un grand nombre d'acteurs le théâtre embarrasse,
Qu'en sa machine un dieu vienne tout ajuster.
Le bon comédien ne doit jamais chanter.
Le ballet fut toujours une action muette;
La voix veut le téorbe, et non pas la trompette,
Et la viole, propre aux plus tendres amours.
N'a jamais jusqu'ici pu se joindre aux tambours.
Mais le roi veut au théâtre l'éclat qui l'accompagne partout, et son peuple se conforme à ses goûts. Où est le temps de la vieille musique française, aux instruments si rares et si simples? Le Flo- rentin Lulli triomphe :
��Le Français, pour lui seul contraignant sa nature, N a que pour l'opéra de passion qui dure...
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