SUR ŒDIPE 333
��Je puis fort peu de chose : Mais enfin de mon cœur moi seule je dispose, Et jamais sur ce cœur on n'avancera rien Qu'en me donnant un sceptre, ou me rendant le mien.
ŒDIPE.
11 est quelques moyens de vous faire dédire.
DIRCÉ.
Il en est de braver le plus injuste empire ;
Et, de quoi qu'on menace en de tels différends.
Qui ne craint point la mort ne craint point les tyrans.
Ce mot m'est échappé, je n'en fais point d'excuse ;
J'en ferai, si le temps m'apprend que je m'abuse.
Rendez-vous cependant maître de tout mon sort ;
Mais n'offrez à mon choix que Thésée ou la mort.
Un stoïcisme qui parle si haut nous étonne un peu chez une femme : la suivante de Dircé, Mégare, lui remontre doucement combien elle est imprudente, ingrate même, en irritant celui qui pour elle s'est toujours montré un père. — Lui, un père 1 Dircé a vu clair dans sa fausse tendresse : c'est par « politique » qu'CE- dipe la ménage. — Mais il s'intéresse au bonheur d'^Emon? — « Politique nouvelle ! » — Mais il hait Thésée ? — n Politique par- tout! » 11 a peur seulement de donner à Dircé un mari capable de soutenir ses droits. Ainsi elle s'exalte dans sa colère à froid. Mégare la plaint, et nous ne pouvons que la plaindre comme Mé- gare. Tout à coup l'on annonce que l'ombre de Laïus s'est dressée, sanglante et furieuse, devant la Reine, qu'elle a parlé d'un grand crime impuni, cause de tous les malheurs dont souffre Thèbes, qu'elle a exigé, pour satisfaire le Ciel, qu'on versât le sang de sa race. Avec une résignation bien soudaine et invraisemblable , Dircé offre son sang pour le salut de ses concitoyens :
... Ma flamme à la mort m'avait trop résolue Pour ne pas y courir quand les Dieux l'ont voulue. Tu m'as fait sans raison concevoir de Peffroi ; Je n'ai point dû trembler, s'ils ne veulent que moi. Ils m'ouvrent une porte à sortir d'esclavage. Que tient trop précieuse un généreux courage : Mourir pour sa patrie est un sort plein d'appas Pour quiconque à des fers préfère le trépas. Admire, peuple ingrat qui m'as déshéritée,
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