Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/358

Cette page n’a pas encore été corrigée

346 ÉTUDE

libéral des geus de lettres les vers connus qu'il a placés en tête de son Œdipe :

Laisse aller ton essor jusqu'à ce grand génie Qui te rappelle au jour dont les ans t'ont bannie, Muse, et n'oppose plus un silence obstiné A l'ordre surprenant que sa main t'a donné... Oui, généreux appui de tout notre Parnasse, Tu me rends la vigueur lorsque tu me fai* grâce; Et je veux bien apprendre à tout notre avenir Que tes regards bénins ont su me rajeunir. Je m'élève sans crainte avec de si bous guides : Depuis que je t'ai vu, je ne vois plus mes rides, Et, plein d'une plus claire et noble vision. Je prends mes cheveux gris pour cette illusion. Je sens le même feu, je sens la même audace Qui fit plaindre le Cid, qui fit combattre Horace, Et je me trouve encor la main qui crayonna L'âme du grand Pompée et l'esprit de "Cinua. Choisis-moi seulement quelque nom dans l'histoire Pour qui tu veuilles place au temple de la Gloire, Quelque nom favori qu'il te plaise arracher A la nuit de la tombe, aux cendres du bûcher. Soit qu'il faille ternir ceux d'Enée et d'Achille Par un noble attentat sur Homère et Virgile, Soit qu'il faille obscurcir par un ilt^ruier effort Ceux que j'ai sur la scène affranchis de la mort, Tu me verras le même, et je te ferai dire. Si jamais pleinement ta grande âme m'inspire, Que dix lustres et plus n'ont pas tout emporté Cet assemblage heureux de force et de clarté, Ces prestiges secrets de l'aimable imposture Qu'à l'envi m'ont prêtés et l'art et la nature.

N'admire-t-on pas cette confiance superbe du poète, prêt à tout chanter, et sûr d'avance d'illustrer tout? Des deux sujets qu'il dé- daigna pour choisir le troisième, on ne connaît qu'un, celui de de Camma, reine de Galatie, traité par Thomas Corneille et repré- senté en 1661, avec un succès tel que les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne prirent dès ce moment l'habitude de jouer le jeudi, jour de relâche auparavant. Nous ne croyons pas pourtant que Corneille ait eu lieu de regretter un tel sujet : l'héroïne est une reine orientale, qui aime Sostrate et est aimée de lui, mais se voit contrainte d'épouser le criminel Sinorix. Elle empoisonne la coupe nuptiale et suit ainsi dans la mort l'époux qu'elle hait. Ce dénoue- ment, par certains détails, rappelait un peu celui de Rodogune, sans en avoir la grandeur tragique.

�� �