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ACTE IV, SCÈNE VI 303

SCÈNE VI.

ATTALE.

Atlale, était-ce ainsi que régnaient tes ancêtres ?

Veux-tu le nom de roi pour avoir tant de maîtres ?

Ah! ce titre à ce prix déjà m"est importun :

S'il nous en faut avoir, du moins n'en ayons qu'un. 1470

Le Ciel nous l'a donné trop grand, trop magnanime,

Pour souffrir qu'aux Romains il serve de victime.

Montrons-leur hautement que nous avons des yeux.

Et d'un si rude joug affranchissons ces lieux.

Puisqu'à leurs intérêts tout ce qu'ils font s'applique, 1475

Que leur vaine amitié cède à leur politique,

Soyons à notre tour de leur grandeur jaloux,

Et comme ils font pour eux faisons aussi pour nous.

1474. Var. Ponr les connaître mal j'ai trop vécu chfz eux.

A leurs seuls intérêts tout ce qu'ils font s'applique.

Toute leur amitié céile a leur politique. (IGil-oG.) Vnr. Et d'un si pesant joug affranchissons ces lieux. (1GG0-C4.) 1478. frti're est souvent pris absolument chez Corneille et ses contemporains pour agir.

Ayez soin que tous ileux fassent en gens de cour. {CUI, l'foii.)

Oui, vous faisiez tous deux en Iiommes de courage. {Menteur, 729.) ■I Monsieur le duc était lieutenant général de jour et fit à la Condé, c'est tout dire. "(Racine, Lettre à Doileau, la juin lt)92.) — « Monsieur d'Albrct,_avec son régiment, a très bien fait. " (Pellisson, Lettres historiques, 14 août 1G74.) Dans les Mémciires de La Rochefoucauld, on voit plus d'une fois revenir cette locution, que Voltaire raille mal à propos. — « Dans ce quatrième acte, la mauvaise humeur et le mauvais vouloir de Prusias contre Nicomèdo se sont accrus parles querelles et les accusations réciproques du prince et de sa marâtre ; Nicomède, qui était arrivé victorieux, vient d'être condamné, abandonne aus Romains ; .^ttalc est devenu de leur favori leur adversaire. Tous les intérêts sont brouilles, les posi- tions respectives entièrement changées, le héros est en péril, mais un secours lui vient d'où il l'espérait le moins. " (Naudet.) — Que va faire Attale '? on ne sait encore, et l'on hésite à accorderune pleineconfianceà un prince qui, tout à l'heure, remer- ciait si humblement Flaminius de ses bontés. Vis-à-vis du même Flaminius il vient de se compromettre; mais est-ce la révolte d'une âme généreuse offensée ou d'une passion déçue '? Le grand art de Corneille a été de prolonger cette indécision, si éminemment dramatique. Que penser de cette âme toujours tlottante, de ce carac- tercéquivoquc ? Dans quelle mesure est-il ingénu, dans quelle mesure intéressé? 11 y a luie jiart de sincérité dans son rovirenicnt. car c'est très sincèrement qu'il a cru à kl vertu romaine, et très sincèrement aiissi qu'il admire ce Nicomède qu'on lui ordonne de hair, si bien que. la vertu romaine s'éclipsant, la vertu deXicomede doit briller seule à ses yeux, .'\lais il y a une part d'égoïsme, puisqu'il ne protestait point contre le sncrilice qu'on lui faisait de Nicomède, et trouvait tout pour le mieux, avant que Haminius lui eût refusé Laodico. Delà l'incertitude du spectateur et du lerteiir : on croit deviner le dénouement, mais on ne l'attend pas dans une entière sccurité d'esprit, et le cinquième acte peut nous réserver encore des surprises. En toutcas. quoi qu'il fasse désormais, .\ttaln ne pourra que reconquérir notre estime ; uotre admiration restera lidèle au seul Nicomède, qui n'a jamais hésité ni failli.

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