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294 NICOMÉDE

SCÈNE III. PRUSIAS, MCOMÈDE, ARASPE.

��Nicomède, en deux mots, ce désordre me fâche.

Quoi qu'on t'ose imputer, je ne le c-rois point lâche.

Mais donnons quelque cliose îi Rome qui se plaint,

Et tâchons d'assurer la Reine qui te craint. 1310

J'ai tendresse pour toi, j'ai passion pour elle,

130". « Le mot fâcher est bien bourgeois. Ce vers comique et trivial jette du ridicule sue le caractère de Prusias, et l'ait trop apercevoir au spectateur que toute l'intrigue <Je cette tragédie n'est qu'une tracasserie. >• (Voltaire.) — « 11 s'agit d'une tracasserie qui ne va à rien moins qu'à changer l'ordre de succession dans un Etat composé de quatre royaumes, et à livrer aux Romains \\n héros, leur en- nemi. D'ailleurs ce faux semblant d'amitié ne trompera pas Nicomède ni les spec- tateurs. L'emportement du roi tout à l'heure le trahira quand il aura vu qu'il n'ob- tient de son fils aucune lâche concession. » (Xaudet.) — Cela est vrai, et l'on ne peut jamais croire tout à fait à la sincérité d'un Prusias. Toutefois il se pourrait qu'ici Prnsias fût à demi sincère : s'il a pour de sa femme, a-t-il moins peur d'un soldat victorieux qu'il croit et dit tout-puissant? Voyez la scène 1 de l'acte 11. Observe?., d'ailleurs, que son ton change lorsqu'il est seul avec lui et que la redoutable jVr- sinoé n'est plus là. .\u fond, il a le vif désir de ne se prononcer ouvertement ni pour l'un ni pour l'autre ; seulement il aime Arsinoé et se défle de Nicomède. — Quant au mot fâcher, dont le sens s'est affaibli aujourd'hui, Andrieux lui-même l'a laissé subsister dans le vers, pourtant bien faible, qu il substitue au vers de Corneille :

Mon fils, tont ce débat et me blesse et me facile.

Ce mot était alors du style le moins familier. Dans une lettre citée par M. Go- defroy, Louis XIV écrit que la mort de M"" de Fontanges, bien qu'attendue, n'a pas laissé de le » fâcher ". Voyez Horace, 617; Po'yeuctc, lO.ïO; Rodogune, i61.

1309. Donner a souvent au xvii' siècle, et même au xviii", le sens du latin con- donare, abandonner, concéder, sacrifier :

Je donne à la nature ainsi qu'a la raison. (Pompée, 1792.) Quand on donne an public les intérêts du sang. (Cirf, 1200.)

« Hâtons-nous de donner à Dieu nos ressentiments. "(Bossuet, Sermon pour le mardi de la troisième semaine de carême.) « Si j'aimais assez la gloire pour lui donner ma paresse... » (Vauvenargues, Lettre à Mirabeau.)

1310. D'assurer, de rassurer, comme au v. 1334. Voltaire répète ici son éter- nelle antienne : Ce n'est pas français. Il est vrai qu'aujourd'hui l'on dit plutôt rassurer; mais, comme le remarque M. Litlré, assM-er était en plein usage en ce sens parmi les contemporains de Corneille, même chez Racine :

Un oracle m'asstirc, nn songe me travaille. {Borace, 1211.)

O boulé, qui m'assure autant qu'elle m'honore. (Racine, Esthcr, II, 7.)

Rien ne peut l'assurer; de tout il se défle. (La Fontaine, le Florentin.)

1311. Tai tendresse, j'ai passion. Cette omission de l'article devant le nom est fréquente chez Corneille, nous avons déjà eu occasion de le remarquer. Voyez les ■V. 73, 848 et 1177, et aussi les v. 1430-31, 1642.

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